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De Neuhoff Theodore : sa biographie
Dernière mise à jour de cette page le 31/03/2016
Le baron Théodore de Neuhoff, né le 25 août 1694 à Cologne et mort le 11 décembre 1756 à Londres, est un gentilhomme westphalien, qui devint, de façon éphémère, sous le nom de Théodore Ier, le premier et le seul roi de toute l’histoire de la Corse en 1736.
Né dans une famille de nobles wesphaliens qui comprend une parenté estimable, notamment avec le baron de Dost, commandeur de l’Ordre teutonique à Cologne. Il est sans doute parent du général von Wachtendonck qui a servi en Corse à la tête des troupes impériales. Son blason est composé de trois anneaux d’argent sur un fond sable. Son père était officier quand il se marie à une roturière, fille d’un marchand aisé de Liège ce qui provoque une rupture familiale.
Théodore, sa sœur et son frère, sont élevés par le comte de Mortagne, personnage riche et influent. La sœur de Théodore épouse le comte de Trévoux et il est lui-même page chez Élisabeth-Charlotte d'Orléans, princesse palatine. Grâce à la princesse, Théodore devient lieutenant au régiment d’Alsace mais c’est un jeune homme sans fortune, attiré par les excès de la jeunesse (les femmes et le jeu). Très tôt, il aime l’aventure et le mystère et il rentre au service du baron Goetz, ministre de Suède, pour des missions de diplomatie secrètes, puis il est à la Cour d’Espagne, au service du cardinal Jules Alberoni puis du duc de Ripperda, Secrétaire d'État (chef du gouvernement) du roi Philippe V d'Espagne.
Il effectue une mission en Écosse afin d’examiner les possibilités de rétablissement des Stuart.
En Espagne, il épouse Elisabeth Sarsfield de Kilmarnock, fille d’un noble catholique partisan des Stuart. Il semblerait qu’il ait eu une fille avec son épouse mais le mariage ne sera pas heureux et il est accusé d’avoir détourné la dot de son épouse. En mission en Hollande, il rencontre l’ambassadeur de l’Empereur auquel il vend des renseignements et celui-ci l’envoie à Gênes pour obtenir des renseignements sur le soulèvement corse.
Il y prend contact avec des Génois mais aussi en Toscane avec des chefs corses. Ses rencontres renouvelées avec les chefs corses le conduiront à une proposition d’action à la suite de l’échec du traité de Corte. Grâce à ses contacts et à son expérience dans le domaine du renseignement, il perçoit une opportunité personnelle.
Il semble en effet qu’à partir de cette date, il n’agisse plus pour le compte de l’Espagne ni pour le compte de l’Empereur mais comme un véritable « électron libre » qui choisit son destin et tente un coup d’éclat personnel avec l’argent de ses commanditaires inconnus. Il reste un an à Tunis pour préparer l’expédition et acheter des armes.
Vers la Corse
Il rencontre à Livourne des exilés corses : Giafferi, Ceccaldi, Aitelli, Orticoni et Sebastiano Costa. Ceux-ci s’allient à lui pour gagner leur cause auprès des cours d’Europe où Neuhoff se donne beaucoup de mal pour la défendre. Le 20 mars 1736, à bord d’un bâtiment britannique armé de 3 000 fusils, des canons mais aussi de l’argent et des bottes dont les Corses ont besoin, il débarque à Aléria, avec une suite de 16 personnes : un officier, un maître d’hôtel, un cuisinier, un majordome, un chapelain, 3 esclaves maures et huit autres domestiques, les représentants locaux viennent lui rendre hommage. Le 15 avril, à Alesani, il est élu roi de Corse et approuve une constitution monarchique qui prévoit un impôt modeste, une université, un ordre de noblesse, des décorations comme l’Ordre de la Clef d’Or ou l’Ordre de la Délivrande et l’accession des Corses à tous les emplois publics. Acclamé et placé sous l’invocation de la Trinité et de l’Immaculée Vierge Marie, Théodore prend son rôle très au sérieux. Ainsi, et bien qu’il n’ait pu totalement s’acquitter des services des grands chefs de la Corse, il acquiert une certaine popularité auprès du peuple. Il a résidé dans l'ancien palais épiscopal de Cervione.
Homme d’idées et d’ambitions plus que de terrain, Théodore se borne à de nombreuses actions spectaculaires. Dépitée d’être mise en échec par cet étranger, Gênes mène une propagande calomnieuse qui nuit à son image auprès des souverains d’Europe. Face à cette indifférence hostile ou amusée des grandes nations, face au manque de confiance de la France, de la Grande-Bretagne et de l’Espagne auxquelles il était lié, Théodore tient tête à Gênes sans remporter de succès décisifs pour autant.
Il a le soutien de membres de sa famille comme le général Mathieu de Dost qui devient son responsable militaire. Son neveu, Friedrich von Neuhoff, présent depuis 1736 à ses côtés, qui luttera jusqu’au 3 octobre 1740 avec quelques Corses fidèles mais devra s’embarquer pour Livourne lui aussi.
Le 10 novembre 1736, il est contraint d’aller chercher personnellement des secours et s’embarque pour Livourne. Avant son départ il nomme Ghjacintu Paoli et Giafferi, commandants en chef du « Delà ». Il s’embarque à Solenzara avec son fidèle Costa, il débarque à Livourne. Après avoir fait le tour des capitales européennes et échappé, à Rome et à Paris, à des attentats à la bombe et avoir reçu le soutien de banquiers hollandais, il revient en Corse le 15 septembre 1738 avec trois vaisseaux contenant notamment 174 canons, 3 000 fusils, 50 000 kilos de poudre et 100 000 kilos de plomb.
Il est bien accueilli par les paysans et reçu triomphalement à L'Île-Rousse, mais plusieurs personnages très importants ne croient plus en lui, comme le chanoine Erasmu Orticoni et Ghjacintu Paoli, qui considèrent avoir été trompés par ses promesses non tenues et pensent que rien n’est possible contre Gênes sans l’appui d’une puissance étrangère et principalement l’Espagne et Naples. Il doit se résigner à repartir pour Naples.
Il tente un nouveau retour, le 7 janvier 1743. Venant de Londres, Théodore passe par Lisbonne, Villefranche et Livourne sur un navire (escorté par dix bâtiments anglais) avec des secours importants en armes mais il ne put jamais débarquer, faute de pouvoir payer les commanditaires de l’expédition à qui il avait promis le règlement par les Corses.
Même s’il n’est pas pris au sérieux par ses contemporains, le roi Théodore, qui ne règne que durant sept mois, proclame pour la première fois par sa monarchie l’indépendance de la Corse.
Des peintures murales, heureusement restaurées à l'identique par le propriétaire actuel Alexandre Gianninelli, artiste peintre et plasticien, (elles avaient disparu sous du papier peint XIXe) sont visibles à la Casa Theodora à Muro en Haute Corse. Cette demeure (XVIe siècle, 1516) était celle de la famille Giuliani dont un représentant (Jean-Thomas Giuliani, lieutenant de Gaffory) aurait accueilli le roi Théodore en Balagne. Ces fresques représentent notamment les vaisseaux du roi Théodore face à L'Île-Rousse entre 1736 et 1740.
En avril 1744, Théodore est réfugié à Sienne, en 1746 à Turin, en 1747 à Vienne, puis à Londres en 1749 où il est emprisonné pour dettes jusqu’au 6 décembre 1756 et devient une curiosité pour les Londoniens mondains.
Il meurt le 11 décembre 1756 dans le quartier de Soho chez un artisan juif et un lord anglais fera graver au cimetière de l'église Sainte-Anne à Westminster cette épitaphe due à Horace Walpole : « Près d’ici est enterré Théodore, roi de Corse, qui mourut dans cette paroisse le 11 décembre 1756 immédiatement après avoir quitté la prison du ban du Roi par le bénéfice du fait d’insolvabilité, en conséquence de quoi il enregistra son royaume de Corse pour l’usage de ses créanciers. Le tombeau, ce grand maître, met au même niveau héros et mendiants, galériens et rois, mais Théodore fut instruit de cette morale avant que d’être mort. Le destin prodigua ses leçons sur sa tête vivante. Il lui accorda un royaume et lui refusa du pain. »
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