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Article - Les grands magazines qui traitent de la Corse : Spécial Corse, une île pour des Corses (1973)

Dernière mise à jour de cette page le 07/11/2012

Au terme d'une année d’aggravation de la situation insulaire (plasticages et inscriptions anti-françaises en hausse) le journaliste Maurice Olivari enquête auprès de divers responsables corses sur les raisons de cette expansion sur l'île des actions revendicatives autonomistes. Cette émission donne pour la première fois la parole aux mouvements de contestation : les jeunes de l’ARC et Dominique Alfonsi du PCP (Parti Corse pour le Progrès). Leur sont opposés François Giacobbi qui reconnaît l’existence d’un « problème corse » et le préfet de la Corse. La revendication est exposée ici dans tous ses aspects.

Un ton polémique

Dès la première phrase du reportage le ton est donné : « Cette année la population a réagi avec violence contre les fameuses Boues rouges italiennes. Un peu comme si les Corses avaient réalisé l’immense valeur de leur patrimoine » [1]. Le journaliste avance la particularité de l’île comme un argument polémique : « Coup sur coup, la semaine dernière des explosions ont touché cette île, ce département à part… » [2]. Le journaliste affirme alors que « La Corse, par sa géographie et par son histoire n’est pas un département comme les autres. Existerait-il un problème corse ? Apparemment oui…. » [3]. Pour appuyer son propos, les images chocs d’attentats, de panneaux où les noms ont été corrigés en langue corse et d’inscriptions anti-françaises se multiplient : « Les inscriptions I Francesi Fora ont surgi depuis quelques mois un peu partout » [4].

Mais outre ces images de violence, le reportage veut aussi essayer de donner un visage nouveau à cette contestation en insistant sur le fait qu’elle est aussi culturelle. Le commentaire explique que la Corse connaît un renouveau culturel : « A Napoléon, les Corses préfèrent à présent Pascal Paoli, et depuis cet été, la chanson à la mode en Corse c’est U Culombu…  » [5]. (titre tiré du nom d’une sorte de conque marine, grosse coquille percée par les deux bouts et dans laquelle on souffle. Le son monotone s’entendait de fort loin pour donner l’alarme pour tous les dangers. C’est une chanson traditionnelle). Le journaliste  reconnaît aussi l’importance et l’impact de la langue « Le Corse n’est pas un patois ou un dialecte mais c’est une véritable langue » [6]. Le commentaire s’attarde aussi sur la revendication de plus en plus forte d’une université dans l’île.

 Des clefs pour comprendre le « problème corse »

Le reportage revient sur ce qu’il est commun d’appeler depuis 1965 « le problème corse ». Selon le journaliste : « C’est parce que cette région est en pleine expansion que certains Corses sont mécontents » [7]. François Giacobbi explique quant à lui : « qu’en Corse il se produit ce qui se produit en beaucoup d’endroits. C’est une région sous-équipée, une région sous-développée, une région abandonnée pendant des décades et brusquement on s’aperçoit qu’elle existe. Et maintenant on se précipite dessus, c’est une invasion pacifique très bien considérée dans un premier temps mais très vite rejetée. Les Corses ne sont  pas considérés comme majeurs par une partie des gens qui nous dirigent et cela nous ne le supportons pas… » [8]. 

Cet avis est loin d’être partagé par la jeunesse de l’ARC pour qui le problème est celui de l’exclusion des insulaires de la modernité. Michel Castellani [9] affirme donc en présence de Luc-Antoine Marsily, Léo Battesti, José Morellini et Gérard Serpentini qu’« Il y a un renouveau économique de la Corse qui ne profite en aucun cas à la jeunesse corse ». Selon lui : « Le problème corse, pour les jeunes, c’est la valise essentiellement. Les jeunes sont confrontés aux problèmes du départ ». Pour Dominique Alfonsi le problème corse « est éminemment  politique. Nous estimons que les élus politiques corses condamnent toute évolution et nos revendications ne peuvent aboutir. C’est encore le système du clan ». Cet avis est partagé par les jeunes militants de l’ARC : « Les combats qui se déroulent en Corse n’ont plus rien de politique. C’est la corruption à tous les niveaux ».

 Ainsi, après ces interviews, le reportage tente de nous livrer une analyse historique des derniers évènements : « En 1958 : on revendique l’égalité, le slogan est français à part entière. La revendication devient culturelle et ethnique. C’est le début du régionalisme. Le slogan est français mais français à part.Aujourd’hui la revendication est politique. La solution est l’autonomie. Un cadre institutionnel qui, tout en restant dans la légalité française leur permettrait de rester maîtres de leur destin. Le slogan est la Corse aux Corses. Il existe 4 mouvements autonomistes, l’ARC (Action pour la Renaissance de la Corse), le  PPC (Parti du Peuple Corse), le PCP (Parti Corse pour le Progrès) ». Cette analyse ponctuée d’images de manifestations permet au téléspectateur de mesurer le durcissement du ton dans l’île. Le préfet tente d’apaiser le propos : « Paris donne une première réponse au problème corse : la régionalisation. La Corse va se trouver dans une situation privilégiée, le Conseil Général va être élu au suffrage universel direct et ce sera le seul pour l’ensemble du territoire ». Cependant cet élan d’optimisme est vite freiné par les militants de l’ARC. Pour Michel Castellani, la régionalisation n’est pas une réponse au problème : « Nous les militants de l’ARC, nous ne prononçons jamais le mot France ou Français avec animosité. Nous sommes Corses et nous aimons que l’on nous prenne pour des Corses. Le problème des graffitis nous échappe. Le problème n’est pas de mettre les Français dehors mais de faire en sorte que les Corses restent chez eux ». La conclusion est cependant lourde de sous-entendu. Quand le journaliste demande aux militants : « Pourriez-vous aller jusqu’au bout ? ». Ceux-ci répondent : « tout dépendra de l’issue du dialogue ». Un reportage qui est finalement un avant-goût des tensions à venir. Mais surtout, ce magazine reconnaît les « particularismes » de l’île. On y parle pour la première fois d’une « culture corse ».

[1] ina.fr

[2] Idem.

[3] Idem.

[4] Idem.

[5] Idem.

[6] Idem.

[7] Idem.

[8] Idem.

[9] Actuellement, professeur d’économie à l’Università di Corti. 

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