VOUS ÊTES ICI : ACCUEIL MÉDIAS TÉLÉVISION ARTICLE - LES GRANDS MAGAZINES QUI TRAITENT DE LA CORSE : 5 COLONNES À LA UNE 1965, LE TOURNANT CORSE
Article - Les grands magazines qui traitent de la Corse : 5 Colonnes à la Une 1965, le tournant corse
Dernière mise à jour de cette page le 07/11/2012
L'expression « problème corse » naît, dans le cadre du magazine de reportage 5 Colonnes à la Une. C’est une émission historique et très populaire qui crée le « problème corse ». Si 5 Colonnes à la Unes’est déplacée en Corse, c’est que l’île connaît une situation de crise inédite. En effet, dans le courant de l’été 1965, dans la plaine de Migliacciaru à l’est de la Corse, retentissent les premières explosions dues à des attentats au plastic. Les maisons récemment aménagées par la SOMIVAC (Société de Mise en Valeur Agricole de la Corse), avant d’être affectées à des exploitants corses ou rapatriés d’Afrique du Nord offrant des « garanties » suffisantes, sont les premières cibles. L’inscription « La Corse aux Corses » badigeonnée sur les murs des constructions endommagées ne laisse aucun doute sur la signification de l’attentat [1].
Analyse du « problème corse »
L’événement sert donc de point de départ à une interrogation plus profonde sur la « question corse ». L’agriculture est laissée de côté pour analyser le développement économique et social de l’île. Les interviews successives, celle de M. Santoni, puis à Ajaccio, celle de M. Martini permettent de montrer la division de la société corse face aux moyens de la modernisation. D’un côté apparaît la figure de l’élu, M. Santoni, accusé d’avoir attribué des lots à son propre fils. Il se justifie « Non, je n’ai pas attribué de lots à mon fils. Il a fait un dossier comme tout le monde, c’est passé par la SOMIVAC et ce lot lui a été attribué… »[2]. Face à lui, on constate la représentation d’une bourgeoisie urbaine de profession libérale qui aimerait prendre part à la vie politique à travers la figure de M. Martini « Je suis pour une rupture avec le système clanique. Pour cela, nous devons nous organiser, nous, la classe moyenne urbaine… » [3]. La structure clanique (« le clan ») est pour la première fois contestée et reste prudente. Est-elle à un tournant de son histoire ? Ainsi Jean-Paul De Rocca-Serra affirme « Non, les clans ne sont pas un obstacle à la modernisation de la Corse. Je pense que les clans évoluent. Il y a un domaine qui nous reste réservé, à savoir celui des intérêts fondamentaux de notre île. Pour cela, il y a une unité d’action de tous nos élus… » [4]. Sur ce point, les clans sont donc plus que jamais unis et cela est confirmé par François Giacobbi : « Nous sommes une société patriarcale » [5]. Dès lors, entre nostalgie du passé et souhait de modernité, la population insulaire semble partagée. C’est une Corse encore archaïque qui s’exprime dans les plans suivants, notamment avec l’interview d’un berger, de deux pêcheurs et de maraîchers. A cet immobilisme des élus répond un immobilisme de la population. Ainsi que l’expriment ces deux pêcheurs sur le port de Bastia réfractaires à tout changement. « Que pensez-vous des progrès de l’agriculture dans la Plaine orientale? Pour nous c’est un mal, pour la Corse c’est peut être bien, pour les pêcheurs c’est mal, ça ne nous intéresse pas » [6]. La rupture de ton avec cette population frileuse quant au développement, survient avec la vue sur la pancarte du lotissement de Fior del Mare. Les plans se multiplient sur les hôtels de luxe, la vie de farniente avec ses estivants bronzant autour de la piscine. Les interviews de M. Martini et du préfet M. Turon montrent que des changements sont en train de se produire. Le décor choisi pour l’interview de M. Turon n’est pas anodin. Il pose en effet devant des immeubles en construction.
Le commentaire dresse aussi un portrait de l’île et de ses carences. C’est un compte-rendu de tous les retards qu’elle a à rattraper. « La Corse a cependant de gros retards. Son commerce est encore artisanal. Les supermarchés sont inexistants, les petits magasins souffrent de problèmes de distribution » [7]. Cependant une lueur d’espoir apparaît dans le texte de la voix-off « Le tourisme semble être un secteur en pleine expansion et les hôtels fleurissent ainsi que les lotissements qui s’étendent un peu partout comme sur la Rive Sud d’Ajaccio » [8]. Cet enthousiasme est terni par le manque d’infrastructures de l’île « Même avec le développement du tourisme de luxe, la Corse souffre d’un problème d’infrastructures. Les réseaux routiers ne desservent pas bien l’ensemble de l’île… Les liaisons avec le continent sont aussi défectueuses » [9]. Cependant le reportage se conclut, apportée par le jeune étudiant Lucien Felli, sur une note positive: « La Corse change et nous les jeunes, sentons qu’il est possible de travailler et vivre au pays » [10]. Le dernier plan sur le golfe d’Ajaccio, montrant un pin face à la mer, met en exergue la Corse immuable de beauté, malgré ces changements des années1960. A travers ce reportage, pour la première fois, la télévision dresse le tableau d’une île et de son malaise.
[1] F. Pomponi (dir.),Le mémorial des Corses,op. cit. , p.271.
[2] Idem.
[3] Idem.
[4] Idem.
[5] Idem.
[6] Idem.
[7] Idem.
[8] Idem.
[9] Idem.
[10] Idem.
[11] Le déversement des « boues rouges » en Méditerranée a commencé en mai 1972 : après un accord donné par les autorités italiennes, à titre expérimental et pour six mois, une société italienne, la Montedison installée près de Livourne organise le rejet de ses deux à trois mille tonnes de déchets quotidiens à une vingtaine de milles du cap Corse.
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