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Article - Le passage de la télévision au numérique en Corse

Dernière mise à jour de cette page le 07/11/2012

En Corse, le problème de la réception, est resté longtemps une constante. En effet, du fait de son relief, l’île reçoit mal, durant des années la télévision. Ainsi, des débuts de la télévision en Corse (rappelons d’ailleurs que la Corse est la dernière région à bénéficier de la télévision au début des années 1960), à la création de Via Stella, le problème de réception reste récurrent.  Pourtant aujourd’hui, la Corse est passée sans heurt au numérique. Nous nous proposons de mettre en lumière les étapes qui ont fait passer l’île du sous équipement au suréquipement.

Au début des années 1960, La Corse reçoit tardivement la télévision française. Les ondes italiennes plus puissantes parasitent les programmes français. D’autre part, du fait du relief montagneux insulaire, la réception reste faible voire carrément inexistante dans certaines zones. Ces problèmes de réception sont alors souvent critiqués par la presse locale. A l’époque, le magazine régional Kyrn dénonce la qualité médiocre des images : « 0/10 à la télédiffusion de France qui n’en finit pas d’incommoder les téléspectateurs insulaires par la médiocrité des images qu’elle leur sert quotidiennement » [1].

Outre les problèmes liés au relief,la Corse est souvent la dernière pourvue comme peut en témoigner l’arrivée tardive de FR3 au milieu des années 1970 : « Enfin la Corse desservie par la troisième chaîne. Si rien n’est venu interrompre le cours normal des choses, celle-ci rayonne sur l’île, plus exactement sur Ajaccio et Bastia » [2]. Un retard, rappelons le  qui est habituel à cette période : « Et puisque la troisième chaîne s’installe en Corse, profitons de l’occasion pour rappeler que ce n’est qu’en 1963 que la RTF s’est implantée en Corse et y installe un centre radio animé par un journaliste, un technicien et une secrétaire. Deux caméras muettes sont cependant confiées à deux correspondants chargés de couvrir l’actualité susceptible d’alimenter les informations régionales diffusées depuis Marseille. En 1965, Bastia reçoit à son tour une antenne radio avec un journaliste. En 1969, deux équipes sonores (une à Bastia, l’autre à Ajaccio) élisant domicile en Corse avec pour mission de produire un magazine télévisé hebdomadaire, monté et diffusé à Marseille, et ce n’est qu’en 1973 que la Corse reçoit une cellule de montage et mixage TV qui lui permet enfin de pouvoir “ confectionner ” sur place son produit. Quant à la réception, son amélioration n’est pas encore achevée » [3].

Les problèmes de diffusion et de réception persistent durant de longues années. En 1985, Kyrn décerne encore des mauvaises notes : « 0/10 à TDF pour la mauvaise qualité technique des émissions de Corsica Sera vérifiée au mois de janvier » [4].

La réception est tellement difficile qu’en 1988, Jacques Chirac, alors premier ministre, fait de ces  problèmes une priorité lorsqu’il évoque le paysage audiovisuel insulaire : « Plusieurs interventions figurant dans le rapport font état de difficultés de réception, tant pour les programmes de FR3 que de RCFM. A cet égard, il convient de souligner que TDF a mis en œuvre et étudie des solutions afin de remédier aux aléas techniques de transmission des signaux du Continent vers la Corse. Des zones d’ombre existent en Corse, eu égard au relief tourmenté de l’île, leur résorption est une opération de longue haleine compte tenu des investissements qu’elle suppose » [5].

 Cependant, la situation s’améliore quelques peu au milieu des années 1990. Pourtant jusqu’au passage au numérique de nombreux foyers en Corse n’avaient à leur disposition que trois chaînes en analogique. De même l’installation de la nouvelle chaîne corse satellite France 3 Corse Via Stella, en 2007, avait suscité quelques difficultés de réception.

 

Une télévision cible d’attentat, une volonté de non réception :

Outre des problèmes liés au relief et à l’équipement, la réception parfois a pu pâtir du contexte de l’île. Nous nous proposons de rappeler à ce propos l’anecdote suivante :

Le 13 août 1977, l’antenne du Pignu qui dessert toute la Haute Corse est détruite par un attentat : « Vides. Grises, vides et muettes. Première, seconde, troisième chaîne, c’est pareil : la même absence, le même mutisme depuis que le Pignu a sauté. Colère, impuissance et désarroi devant l’écran blafard ou, au contraire, occasion à saisir pour briser le cercle de la dépendance ? » [6]. Un évènement vu alors avec philosophie et humour par les insulaires : « A quelqu’un qui demandait à une vieille femme si elle ne s’ennuyait pas sans sa télé, celle-ci répondit :” mais non, mais si certains ne savent pas quoi faire, alors qu’ils fassent des enfants ” » [7].

Cet attentat apparaît comme un bienfait car le fait de se retrouver sans télévision permet de réactiver les coutumes de veillée et de retrouver sa propre culture : « Au fond, la sédimentation de l’ère télévisée, le quaternaire en quelque sorte, n’est ni très ancienne ni très épaisse. On le savait : en Corse elle craque même facilement en été au travers de ces paesi in festa [8] qui redécouvrent, précisément la fête, mais seulement pour quelques jours et quand les villages sont pleins. Mais ça se confirme : l’épaisse tranche de l’ère communautaire qui portait en elle le sens des rencontres et des échanges, ressurgit par endroits à la faveur de ce temps sans télé » [9].

Un épisode unique en Corse qui semble cependant  révélateur des relations parfois difficiles entre les Corses et la télévision.

Vers le « suréquipement, conséquence d’une réception liée aux aléas du relief :

Pour conclure, sur ces réflexions préalables, nous souhaiterions souligner qu’aujourd’hui les insulaires sont de très grands consommateurs de télévision et ont donc par conséquent soufferts des difficultés de réception. Pour pallier cet état de fait, ils se sont depuis les années 1980 équipés en conséquent des dernières innovations : « La Corse est une des régions méditerranéennes les mieux pourvues en téléviseurs. Il y en a 27669 en Corse du Sud et 31963 en Haute Corse soit un total de 59632. A noter que les téléviseurs couleur sont plus nombreux que ceux en noir et blanc » [10]. Et le pourcentage ne fait qu’augmenter : « 67% di i Corsi hannu una vittura, 88% una televisione, micca troppu miseriosi nò? (67% des Corses ont une voiture, 88% une télévision, ils ne sont pas trop miséreux, n’est-ce pas ?) » [11].

Cet état de fait permet d’expliquer pourquoi le passage au numérique s’est effectué dans la sérénité. Ainsi, le 24 mai 2011, dès les premières heures de mise en route des émetteurs, la couverture dépasse déjà 88% de la population. Le lendemain, il ne reste que 6% du territoire insulaire à couvrir. « De l’avis du Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, c’est en Corse que le passage au tout numérique s’est le mieux passé » [12], comme l’a relayé la radio régionale Alta Frequenza.

En effet, selon Nicolas Abou, conseiller au CSA, la préparation était « la meilleure en Corse ». 96% des gens étaient informés et beaucoup s’étaient équipés en conséquence. En effet 45% des foyers possédaient déjà une antenne satellite selon Nicolas Abou [13]. Quant aux autres, ils attendaient avec impatience le passage au numérique qui devrait une bonne fois pour toute « éradiquer » les problèmes de réception.

[1] Magazine régional Kyrn, Décembre 1977, p.12.

[2] « Corse d’ici et d’ailleurs : Enfin la 3e chaîne ! », la Méridionale, le 19/06/1977.

[3] Idem.

[4] Kyrn, Mars 1985, p.6.

[5] « Le rôle de FR3 Corse précisé par le premier ministre », La Corse-Le Provençal, le 10/03/1988.

[6] Kyrn, août 1977.

[7] Idem.

[8] Villages en fête.

[9] Idem.

[10] Kyrn, Octobre 1982, p.11.

[11] Kyrn, Février 1984, p.12.

[12] alta-frequenza.com/

[13] Idem.

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