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Article - Le corse : une langue toujours en conflit
Dernière mise à jour de cette page le 02/01/2013
Cantons concernés : Corti
Récemment a été soutenue, à l’Université de Corte, une thèse de Romain Colonna, enseignant et chercheur, dont le titre estTransformations diglossiques, l’exemple corse, sous la direction du Professeur Ghjacumu Thiers. Romain Colonna dresse un état des lieux très intéressant de la place du corse dans la société insulaire. Il établit ainsi les grandes tendances qui régissent cette langue aujourd’hui. Il affirme que la plupart des initiatives semblent confirmer l’engagement public et institutionnel en faveur du corse, notamment à travers l’école et les médias. Cependant il démontre, non sans un certain réalisme, que le recul de la pratique quotidienne est bel et bien effectif surtout chez les jeunes générations et que les institutionnalisations du corse telles qu’elles sont actuellement mises en place ne peuvent enrayer ce déclin. À défaut d’abroger le conflit linguistique elles ne font que le déplacer.
Car si aujourd’hui la langue corse est une revendication commune à tous les partis qu’ils soient nationalistes, de gauche et ou de droite, les difficultés restent nombreuses. En effet, on ne peut oublier que des progrès ont été considérables d’un point de vue politique depuis les années 1970, une époque où les partis traditionnels ne faisaient pas vraiment du corse une priorité. Il n’est pas loin le temps où les médias ne pouvaient pas user aussi aisément de la langue corse. Ainsi, dans les années 1980, FR3, grâce à l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, libérateur des ondes, pouvait bénéficier d’une plus large autonomie et avait décidé de faire la part belle à la langue corse à l’antenne notamment dans la présentation bilingue des informations. La station fut l’objet de vives critiques. Certains élus de l’époque s’insurgèrent contre l’usage d’une langue qui ne leur semblait pas adéquate pour présenter des « news », une langue dont il ne fallait pas faire évoluer et moderniser le vocabulaire. Une langue qui leur paraissait alors « ségrégationniste » car pas comprise par tous.
Mais comme le démontre Romain Colonna, aujourd’hui le discours a bien changé. Les initiatives sont légions : la langue s’affiche sur le net avec les sites de la CTC ou de la CAPA Parlemu Corsu, sur les smartphones avec des applications Iphone notamment… Le corse fait l’objet de nombreuses initiatives portées notamment par le service langue et culture corses de la CTC (festival Linguimondi) ou encore par la délégation langue et culture corses de la ville Ajaccio (signalétique et semaine de la langue). La langue est aussi présente dans les médias où des initiatives sont régulièrement prises pour la valoriser et la rendre attractive. Gageons que l’arrivée de Via Stella sur la TNT permettra d’accroître le temps alloué au corse dans les médias insulaires.
Pourtant selon le jeune docteur, cette implication du politique et des médias ne suffit pas. Pour lui, « Le système actuel qui régit le corse n’est pas satisfaisant à plus d’un titre. Les principaux obstacles à un développement raisonnable de la langue sont les principes républicains de neutralité de l’État et de l’individu comme seul sujet porteur de droit ». Il faudrait, rappelle-t-il, « envisager le corse au centre d’un projet éducatif et social totalement renouvelé ». Considérer le corse comme la pierre angulaire d’un projet novateur aussi bien pour l’éducation que pour la société, peut apparaître déroutant. Romain Colonna y répond en affirmant « qu’à l’origine de son souhait en faveur d’un nouveau contrat éducatif et social, ne se manifeste aucunement un quelconque conservatisme culturel stérile ou un communautarisme exacerbé mais bien la volonté de dégager les voies pour un multiculturalisme progressiste allant de la libéralisation des appartenances identitaires à la démocratisation de la sphère publique ».
Un chemin qui lui paraît long encore et où les politiques et les chercheurs en langue et culture corses auront une place prépondérante. Car aujourd’hui, les jeunes générations ont certes de nombreux outils à leur disposition mais peinent à s’approprier leur langue. Selon Romain Colonna, les conditions sociales d’une telle appropriation ne sont pas réunies. Croire le contraire, c’est selon lui, occulter le conflit toujours à l’œuvre. Fera-t-on mentir l’adage, « u corciu u populu senza storia è à lingua in prestu » ?
(article du JDC du 20/01/2012)
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