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Marcu Biancarelli : pour une littérature du désastre

Dernière mise à jour de cette page le 17/02/2013

Cantons concernés : Porti Vechju

« L’art est un sale boulot, il faut bien que quelqu’un le fasse » dit-on. Chez nous, dans nos malheurs, nous avons au moins une chance, celle d’avoir un écrivain qui ne craint pas de se salir les mains en trempant sa plume dans la fange. En effet, Marcu Biancarelli ne craint pas le pire, au contraire il le regarde en face et choisit de nous le montrer sans fards. Il ne cherche pas à faire joli, il appelle un chat un chat et ne se prive pas de bousculer le moindre tabou. Alors on est prêt à tout lui pardonner, ses passages à vide comme ses excès. Voici déclinées en quelques lignes plusieurs raisons, non seulement de l’aimer, mais aussi de le préférer et de se ronger d’impatience jusqu’à son prochain ouvrage.

D’abord parce qu’il nous fait rire avec son humour ravageur et décalé, grâce aux situations absurdes dans lesquelles il plonge ses personnages, comme ceux du « Peuple du quad » par exemple, délicieuse parodie défoulatoire du film « Délivrance ». On n’en attendait pas moins de la part d’un fils de ce peuple sauvage ! Sans parler de ses contes « moraux » comme « La Murène, le poulpe… » délicat tableau de l’échantillonnage politique de nos concitoyens mis en scène lors d’une veillée d’enterrement, moments ordinairement désopilants comme chacun sait !

Parce que Marcu Biancarelli a été le premier et reste le plus fort pour appeler « un c... un c… » et à nous faire des scènes torrides di purnugrafia nustrali, ce qui a contribué grandement à enrichir notre vocabulaire en la matière !

Parce que Marcu Biancarelli a un véritable souffle littéraire dans les scènes de baston, ou plus noblement dans les scènes de bataille dela GrandeGuerre.C’est comme si on y était ! C’est à la fois atroce et dérisoire comme la mort ! Et il n’a pas son pareil pour nous les faire vivre sans perdre de vue le respect de l’être humain, de son courage et aussi, par là même de sa folie.

Parce qu’au milieu de l’horreur, il y a toujours l’innocence, sacrifiée le plus souvent mais toujours vivante comme une petite flamme d’espoir qui resterait allumée dans la tempête.

Parce que Marcu Biancarelli ne se pose jamais en observateur, mais reste bien l’acteur dans ses récits ; qu’il ne se pose jamais, ni en moraliste, ni en censeur. Bien au contraire il commence d’abord par mettre en scène ses propres folies et s’abstient ainsi de tout jugement sur autrui.

Parce que Marcu Biancarelli ose mettre en mots et dire tout haut ce que nous sommes, tous, sans exception, hommes et femmes avec nos vulgarités, nos bassesses, nos lâchetés, nos trahisons et aussi notre violence comme un fleuve prêt à déborder à chaque instant ; mais aussi avec notre courage, s’il le faut, dans le meilleur des cas.

Parce que Marcu Biancarelli n’est jamais méchant qu’envers ceux qui le méritent, mais jamais envers les faibles et les déshérités.

Parce que Marcu Biancarelli s’en fout de faire du beau, avec du style et des grands sentiments, et pourtant il écrit, lorsqu’il est en forme, des pages purement sublimes et émouvantes, comme celles de sa rencontre avec le mouflon de « Murtoriu ».

Parce que sa lucidité sans indulgence a des fulgurences flamboyantes lorsqu’il parle de la mort de notre langue dans Prighjuneru ou qu’il dépeint crûment le tas d’immondices que sont devenues nos côtes.

Parce qu’un voyage avec Marcu Biancarelli, ça nous secoue, nous serre la gorge et les entrailles, nous donne des palpitations, nous tire des larmes, bref nous confronte à du bon, du vrai récit !

Parce que son désespoir dépourvu de toute illusion nous anéantit puis nous remplit d’énergie, de voir enfin que tout n’est pas perdu et que nous aussi nous pouvons avoir droit à de la vraie littérature.

Parce que Marcu Biancarelli , tout en ne se prenant pas au sérieux prend au contraire très au sérieux le rôle du véritable écrivain. Car c’est bien de ça qu’il s’agit : Marcu Biancarelli, divine surprise dans le paysage littéraire insulaire bien pensant lorsqu’il a commencé à écrire, reste un des meilleurs écrivains corse de sa génération, un des seuls en tous cas qui sache réellement parler de la Corse d’aujourd’hui avec ses tripes, ce qui n’est pas rien !

Marie-Paule Gambini.

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1 commentaire(s)

littérature

bravo bel article!

billard, le 09/04/2013