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Paoli Pasquale: l’exil londonien (1769-1789)
Dernière mise à jour de cette page le 31/03/2016
Cantons concernés : Corti
La France a certes remporté la guerre face aux Corses, non sans difficultés, mais Louis XV ne s’est pas couvert de gloire pour autant. Le monarque français est montré du doigt. De son coté, Paoli est vaincu certes, mais il est aussi adulé par toute l’Europe intellectuelle. On le réclame partout. Le 16 juin 1769, il débarque à Livourne sous d’énormes acclamations. Puis il gagne Pise, Florence, Bologne, Mantoue, Vérone. Partout, les salons bien fréquentés, les francs-maçons, les philosophes, veulent le voir. Paoli passe ensuite en Allemagne, à Munich, puis Francfort et en Hollande. Pasquale Paoli veut rejoindre l’Angleterre, la grande ennemie de la France. Le 18 septembre 1769, Paoli débarque à Harwich. Là, des amis l’attendent. Accompagné par Gentili, qui lui sert désormais de majordome et de cocher, le Babbu dispose dès son arrivée à Londres d’un appartement agréable à Old Bond Street. Quelques jours plus tard, le 22, James Boswell et Pasquale Paoli, les deux amis, se retrouvent. Puis, le Babbu est présenté au roi d’Angleterre, George III et obtient deux mille livres sterling de pension. Le lendemain, le 28 septembre, il est présenté à la reine. La vie londonienne de Paoli commence par une succession de rencontres. Partout, il est reçu avec courtoisie et curiosité.
Mais ce monde là, celui d’une certaine élite sociale, et de l’aristocratie, n’est pas celui de Paoli. De plus, ce dernier se trouve dans une situation bancale et pour le moins délicate. Doit-il soutenir les révolutionnaires américains, qui à son exemple se soulèvent contre le pouvoir unique, et ce au risque de fâcher ses nouveaux protecteurs ? Ou bien doit-il au contraire prendre le parti de George III, son hôte, au risque de renier toute son œuvre politique et idéologique ? Certaines voix commencent à s’élever contre lui à Londres. L’Independent Chronique notamment, attaque Paoli de front dans ses différents numéros. Le Corse est décrit comme un « esclave abject », un « soi-disant patriote », un « vil et vaniteux courtisan ». On lui reproche notamment de s’être enfui devant les Français et de n’avoir pas combattu l’arme à la main.
Mais Paoli est intelligent, il sait maîtriser des passions. Certes, il se plaint à son ami et confident James Boswell, mais en public, il garde le silence. Le Babbu se tait, car il a dans l’idée d’utiliser George III pour continuer la guerre en Corse. Mais la famille royale qui règne sur l’Angleterre ne prête qu’une oreille peu attentive aux attentes de Paoli. Les mois passent.
En 1770, Paoli est reçu à la Grande Loge d’Angleterre. Son entrée officielle en franc-maçonnerie ne manque pas de lui ouvrir les portes de tous les salons littéraires, philosophiques et politiques. A ce moment là, Paoli est toujours considéré comme un homme politique. Il écrit un pamphlet intitulé Sentiments des nationaux corses contre l’invasion de leur patrie. Il écrit notamment : « En admettant que les Génois aient eu jadis un droit sur la Corse, avaient-ils celui de le céder à la France ? Il est révoltant de penser que les droits de souveraineté qu’un monarque ou une république ont sur des hommes peuvent être cédés à un autre souverain sans leur consentement libre et spontané ». C’est alors que débute la guerre d’indépendance américaine, plaçant plus que jamais l’enfant de Morosaglia dans une situation indélicate. En réalité, plus la guerre fait rage en Amérique, et plus la popularité de Paoli à Londres se dégrade. Si Paoli veut convaincre George III de l’aider à reconquérir la Corse, il doit faire vite. Mais le roi ne pense qu’à l’Amérique, la priorité de la Grande-Bretagne. Paoli remet toutefois au monarque anglais, et ce en audience privée, un mémoire dans lequel il explique pourquoi la Corse constituerait une base navale en Méditerranée de premier plan. Mais il n’est pas entendu.
En 1771, Paoli passe en Ecosse, en compagnie de James Boswell qui le présente partout où il le peut. Là, Paoli écrit, lit beaucoup et se consacre à la réflexion. Le Babbu reste informé des affaires corses. Après la conquête de l’île par la force, les armées de la couronne de France connaissent peu de difficultés pour pacifier le pays et éradiquer les poches de résistance. Certes, Clemente Paoli tente de ranimer la flamme. En 1774, Nicodemo Pasqualini – celui-là qui favorisa le retour de Paoli en Corse en 1755 – soulève le Niolo contre les Français. Les oppositions au pouvoir du gouverneur Marbeuf se multiplient. Cesare Matteo Petriconi et Giacomo Pietro Abbatucci sont jetés en prison pour s’être ouvertement dressés contre ce dernier. Dans le Niolu, des résistants corses sont pendus après un procès que l’on dit truqué.
De retour à Londres, Paoli passe ses journées au jeu, à Bath, « la gloire des Anglais selon lui ». Il lit beaucoup aussi, va à des concerts privés, à l’opéra, au théâtre. Il fréquente les salons politiques. Le maquis corse semble bien loin.
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