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Milena Agus : Une douce amie sarde

Dernière mise à jour de cette page le 02/01/2013

Dans un petit texte intitulé « Comme une funambule » qui fait suite à « Mal de pierres », le premier roman qui l’a fait connaître en France, Milena Agus se définit comme « quelqu’un qui écrit » et à qui « le terme écrivain fait peur ». Pourtant cette écrivaine qui aime à être modeste, nous enchante par son ton singulier et sincère, ses personnages décalés qui font « avec la vie » parce que « lorsque que la vie est moche », « l’écriture rachète le réel ». Elle nous plonge ainsi dans une atmosphère particulière, faite d’une douce cruauté et d’une certaine résignation qui ne sont pas sans nous rappeler la saveur douce-amère de notre insularité.

Alors que Grazia Deledda et chez nous Marie Susini faisaient de nos existences une tragédie antique, Milena Agus nous décrit ces « vies minuscules », dans un style pur et sensuel où chaque détail a son importance, où tous les sens sont aiguisés. Il y a dans ces personnages quelque peu inadaptés au jeu social quelque chose qui nous touche et qui est sans doute d’abord lié au décor : cette mer indigo, ces soleils de plomb, ces terres arides et sauvages qui écrasent l’être humain, cette île magnifique convoitée par des prédateurs de toute nature. Tout cela nous laisse une impression de grande familiarité.

Pourtant, contrairement à nous, corses qui n’avons de cesse de nous interroger sur l’existence d’une littérature corse, cherchant désespérément ce qu’elle peut avoir d’unique face à une mondialisation dévorante, Milena ne s’attarde pas sur ces questions, « sarde depuis le paléolithique », comme elle le fait dire à l’un de ses personnages dans « Quand le requin dort », elle écrit. Elle décrit ce petit monde avec tendresse, peuplé de personnages fragiles et blessés, prompts pourtant à défendre leur existence contre ceux qui seraient tentés de la dévorer, mais toujours avec une douce détermination, comme Madame, dans « Battements d’ailes » qui, tout en luttant le jour contre la spéculation immobilière, cherche à tromper sa solitude, la nuit tombée, en traquant l’amour sur internet.

Alors, en quoi l’oeuvre de Milena Agus peut-elle être qualifiée d’insulaire, question qui lui est souvent posée ? Elle l’est, sans doute, dit-elle, parce que « la mer sépare, il n’y a rien à faire ». C’est peut-être à cet éloignement que tient la gravité que souligne Pedrag Matvejevitch pour qui « les insulaires sont moins frivoles que les gens du littoral… parce qu’ils sont isolés par la mer et voués à eux-mêmes » et aussi parce que pour eux le futur est « comme un passé qui recommence». Ce serait donc cela, cette mélancolie, cette difficulté à vivre et à se projeter dans l’avenir dont nous parle Milena, en nous tendant ce miroir. Mais pour autant, comme le reconnaît l’auteure elle-même, la Sardaigne n’est qu’un cadre, ses histoires pourraient se passer ailleurs, « dans n’importe quel endroit du monde pourvu que ce soit un endroit particulier à l’écart des métropoles et de la vie moderne ».

Alors l’essentiel n’est peut-être pas là, dans ces lieux qui nous sont familiers avec ces personnages qui nous ressemblent. Car Milena, douce amie sarde nous parle ici d’universel, tant il est vrai que dans notre singularité, insulaires, nous le sommes tous et que tous ses personnages ont un point commun : comme la plupart d’entre nous qui  déambulons dans la vie, ils cherchent tous quelque chose qui n’est autre que de l’amour. Et c’est surtout cela qui nous les rend si attachants.

Milena AGUS :

- Mal de Pierres, suivi deComme une funambule, Livre de Poche, 2007
- Battements d’ailes, Livre de Poche, 2008
- Mon voisin, Liana Levi, piccolo, 2009
- Quand le requin dort, Livre de Poche, 2010.

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