Ne manquez pas...

Parcourez-ici les rubriques

VOUS ÊTES ICI : ACCUEIL HISTOIRE 19E SIÈCLE NAPOLÉON: SA BÉRÉZINA

Napoléon: sa bérézina

Dernière mise à jour de cette page le 01/04/2016

Article sur La Bérézina de Napoléon, paru dans le magazine jeunesse et BD Cargo Zone (septembre 2007).

En 1812, l’Empereur Napoléon Bonaparte, alors au sommet de sa puissance, décide d’étendre son emprise sur l’est de l’Europe et de fondre sur la Russie. Cet immense pays se trouve alors sous l’autorité du Tsar Alexandre 1er. Cette campagne militaire menée par l’Empereur en personne, se terminera de la pire des façons pour la Grande Armée. Ou presque. Le cauchemar de la Bérézina symbolise à lui seul la déchéance d’une super-puissance mondiale qui, après avoir atteint les sommets, commence son déclin.

La Bérézina est le nom d’un fleuve russe qui prend sa source à 80 km au nord de Minsk, et qui traverse des villes comme Borissov, Dobrouisk et Gorval. Ses abords sont souvent marécageux et trompeurs, quelquefois dangereux, notamment l’hiver lorsque le froid saisit les eaux et que la glace masque les risques.

Le 26 novembre 1812, les troupes napoléoniennes font route vers l’ouest. Chassés de Russie, l’Empereur et sa Grande Armée sont surpris par une première offensive hivernale. Napoléon sait qu’il est vaincu et que sa campagne est un échec. Dès lors, son objectif est de rentrer sur Paris et de sauver la face, en ramenant ses hommes en France. Mais c’est sans compter sur Mikhail Koutouzov, un prince russe qui est également général en chef de l’armée impériale russe. Dès lors, il ne s’agit plus de la conquête d’un pays, mais de la survie de l’Empereur lui-même. Les Russes ne rêvent que d’une chose : capturer Napoléon.

Ce dernier se trouve à Studianka, au petit matin. L’heure est grave. Sa retraite est barrée par la Bérézina. Les Russes ayant sacrifié le seul pont susceptible de permettre le franchissement du fleuve, Napoléon n’a qu’une seule solution : construite à la hâte deux ponts, afin de franchir le plus rapidement possible les eaux glacées.

Dans la nuit du 25 au 26 novembre, dans la neige et par des températures négatives, les pontonniers travaillent sans relâche, quelquefois au péril de leur vie, les eaux jusqu’aux épaules, pour construire l’édifice. Un labeur pour le moins périlleux compte tenu des conditions climatiques épouvantables et de la vase, qui rendaient presque impossible la stabilité des chevalets. Toutefois, dans l’après-midi, un premier pont est terminé. Le corps armé du maréchal Oudinot traverse le fleuve sous la neige, et poursuit son effort en attaquant les Russes qui tentent de bloquer le passage. Pour appuyer l’offensive, certains cavaliers tentent la traversée à la nage, avec des fantassins en croupe.

Plus tard dans l’après-midi, un deuxième pont est terminé. Ce dernier est destiné à l’artillerie et à la cavalerie. L’Empereur lui-même n’attend pas pour traverser la Bérézina. Accompagné par sa Garde et 1.000 hommes du maréchal Ney, Napoléon assure son salut et rejoint l’autre rive. Mais ce n’est pas gagné pour autant. Le gros des troupes - des milliers de soldats - se trouvent toujours sur la rive exposée du fleuve.

C’est au soir de ce 26 novembre, que commence le véritable calvaire de l’armée. La nuit tombant, les troupes établissent un camp de fortune. Mal chauffés, mal nourris, malades et faibles, les soldats meurent par dizaines. Des régiments entiers sont alors décimés, tandis que d’autres se trouvent complètement désorganisés. Les troupes, composées de Français, mais aussi d’Espagnols, de Portugais, de Croates, d’Allemands, de Polonais, de Romains, de Napolitains et même de Prussiens, n’ont désormais plus qu’une seule idée en tête : franchir le fleuve et échapper à l’encerclement programmé par l’ennemi.

Dans la nuit du 27 au 28 novembre, de nombreuses troupes continuent de franchir les ponts de fortune. De l’autre coté, la bataille redouble de violence. Partout, c’est un spectacle d’horreur : « les canons grondent et les boulets volent ». Affaiblis et épuisés, les troupes impériales luttent désormais pour leur survie. Les morts s’amoncellent aux abords du fleuve, mais aussi sur les ponts, tandis que les températures deviennent glaciales.

Désorganisée et livrés à eux-même, certains soldats tentent de passer en force et lancent un assaut désespéré. Happés de plein fouets, ces derniers s’écroulent sur les passerelles, de sorte que désormais, les deux ponts conduisant au salut, sont jonchés de cadavres sanguinolents, de blessés, d’estropiés, de mourants. Partout, des cris de douleur, de détresse, des appels au secours. L’armée de Napoléon est en déroute.

Certains pensent alors avoir plus de chance en traversant la Bérézina à la nage. Espoir vain. Le froid est trop vif et la mort survient avant même d’avoir pu atteindre la moitié des eaux. Les cadavres deviennent alors des obstacles sur les ponts. Il est alors très difficile de les traverser. Les cavaliers n’ont guère plus de chance. Sous leur poids, les montures s’écroulent, s’enfoncent dans les marais glacés, et ne peuvent plus se relever. Certaines sont même prises par la glace, entraînant vers une mort certaine leur cavalier.

Désormais, c’est du chacun pour soi. La panique. Cette course vers la vie rend fou les soldats. Epouvantés, les hommes se marchent les uns sur les autres, sans vergogne. Pour ceux qui sont précipités dans le fleuve, des cordes sont jetées pour leur porter secours. Mais rares sont ceux qui ont encore la force de s’extraire des eaux. Par centaines, les cadavres sont entraînés par le courant.

Devant, Napoléon est déjà en zone sécurisée. Les grenadiers de la Garde sont à la recherche de bois pour réchauffer leur empereur. A ses cotés, les hommes mourant ont toutefois encore la force pour lever la tête et dire : « prenez, pour l’empereur ». Derrière, c’est la « bérézina ». Le comble de l’horreur. 

A dix heures, un des ponts s’effondre sous le poids de l’artillerie. Des hommes, des chevaux, des femmes et des enfants périssent alors dans un grand fracas, avant d’être engloutis par les flots. Le désordre redouble alors, car désormais tous les hommes encore capable d’effort, se précipitent sur le seul pont encore disponible. Mais dans la cohue, le vacarme, la terreur, il n’y a plus moyen de passer. Le maréchal Lefebvre crie, hurle même pour se faire entendre. Il essaie de maintenir l’ordre et la discipline. Mais rien n’y fait, l’armée de Napoléon sombre désormais dans l’anarchie la plus totale. Saisis par le froid et apeurés par la mort, les hommes volent les vêtements des morts, voire même des mourants, des faibles. D’autres attendent le dernier souffle de leurs camarades pour les dépouiller.

Dans ce désordre croissant, certains allument des feux pour tenter de se réchauffer en attendant que la situation s’apaise sur le pont. Mais la guerre continue, et soudain, les troupes du maréchal Victor sont violemment attaquées par les Russes. Boulets et obus tombent dans la foule. Comble du malheur, c’est à ce moment là que la neige redouble de violence. La Bérézina, rouge de sang, emporte avec elle des centaines de cadavres, mais aussi des carcasses de chevaux, des voitures et toutes sortes d’objets avalés par les ténèbres.

Sur un amas de cadavres et de mourants, le maréchal Victor parvient enfin à traverser le pont. Toutefois, l’arrière-garde de la Grande Armée se trouve toujours sur l’autre rivage. Une nouvelle nuit s’invite au festin de l’horreur. Pour survivre, les troupes dépècent des voitures et mettent le feu aux pièces de bois pour se réchauffer. Qu’importe si les lueurs permettent de faire connaître les positions à l’ennemi. Il fait froid. Trop froid. Des centaines de soldats succombent du froid ce soir là. C’est alors que les précipitations de neige redoublent de violence. Les malades et les faibles n’y résistent plus. Pour beaucoup, c’est la fin…

Nous sommes le 29 novembre 1812. Le jour se lève enfin. Un peu réchauffés, les survivants se jettent en masse sur le pont et tentent de passer en force. Les bons nageurs plongent directement dans la Bérézina, espérant traverser le fleuve à la nage ou en s’accrochant aux glaçons qui jonchent les eaux. Mais ils succombent presque tous. Certains hommes, les forts, parviennent à franchir le fleuve. Mais les faibles périssent dans des scènes épouvantes, « des scènes impossible à peindre » selon le sergent Bourgogne, témoin de la scène.

Puis, les cris d’horreur et de désespoir laissent place au silence. Un silence de mort. Ceux qui ont franchi le fleuve sont déjà bien loin. Mais nombreux sont les hommes, les femmes et les enfants à avoir laissé la vie sur les rives ou dans les eaux de la Bérézina. Nombreux aussi sont ceux qui sont parvenus à sortir de cet enfer. Les Russes, qui voulaient capturer Napoléon à tout prix, ont échoué dans leur entreprise. Quelques jours plus tard, l’Empereur parvient à rejoindre Paris, sa capitale. Mais à quel prix…

Texte anti-spam :*
La clé d'API reCAPTCHA n'est pas renseignée.

Soyez le premier à commenter cet article ! COMMENTER