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Nasr Eddin : Lointain cousin de Grossu Minutu

Dernière mise à jour de cette page le 02/01/2013

Un petit bonhomme rondouillard, grimpé sur un âne. Un homme à l’humour ravageur qui n’ayant rien à perdre, ne craint ni Dieu, ni les hommes. Un petit personnage qui fut le bouffon d’un grand homme, ça ne vous rappelle rien ? Sauf que celui-ci est un sacré farceur, son âne, il le monte à l’envers pour mieux souligner l’absurdité du monde. Il se revendique comme l’idiot parfait et on l’appelle « maître ». Voilà le portrait sans retouches de Nasr Eddin dit le « Hodja », le sage qui fait si bien le fou ou le fou qui est si sage, comme on voudra ! On raconte qu’il vécut au XIII° siècle en Turquie et qu’il amusa le terrible Timour Leng (Tamerlan), le conquérant qui soumit le pays, soit dit en passant, à la fin du XIVème siècle. Qu’importe l’anachronisme, l’image est trop belle !

Un brin voleur, mais toujours de mauvaise foi, il est comme le chat, il retombe toujours sur ses pattes : pris en train de voler du blé, au moulin, la main dans le sac du voisin pour remplir le sien, il répond qu’il ne sait pas ce qu’il fait. L’autre alors lui demande pourquoi il ne remplit pas le sac d’une autre personne, c’est alors que Nasr Reddin répond avec une candeur désarmante qu’il est fou, mais pas au point de ne pas reconnaître son propre sac ! Un tantinet misogyne, il pleure d’avantage la mort de son âne que celle de sa femme Khadidja. A ceux qui s’en étonnent, il déclare : lorsque j’ai perdu ma femme, vous m’avez dit que j’en trouverai une autre, maintenant que j’ai perdu mon âne vous n’avez rien dit, j’en conclus donc que la perte est beaucoup plus grande ! Bien que moqué, il est toujours respecté grâce à sa langue acérée. Le terrible Timour Leng n’y résiste pas : un jour il demande à Nasr Eddin qui louche s’il voit double et par conséquent, le regardant s’il voit deux conquérants, celui-ci répond : non seigneur, je vois seulement un quadrupède !  Et ainsi, chacun en prend pour son grade :

Nasr Eddin, par une belle après-midi, se promène dans le village entre le Cadi et l’Imam lorsque ceux-ci l’interrogent : - parfois, dit l’un, je me demande, Nasr Eddin, si tu es un idiot… ou si tu es un escroc, dit l’autre. - En ce moment, je suis juste entre les deux, répond notre compère !

Ainsi, ses traits d’esprit sont rapportés avec délices sur toutes les rives dela Méditerranée. C’est ainsi que notre bonhomme traverse les pays et les siècles. Peut être est-il aussi venu jusque chez nous et y a-t-il laissé quelques souvenirs ?

En tous cas, quelques siècles plus tard, il a un disciple, et c’est là qu’apparaît notre Grossu Minutu. Petru Ghjuvanni Ficoni nait à I Perelli, petit village des montagnes de l’Alisgiani, vers 1715, lui aussi est pauvre, laid et chétif (minutu) et, prenant de l’embonpoint en vieillissant, il sera surnommé Grossu Minutu. Orphelin très jeune, il découvre que l’humour et la dérision peuvent rendre la vie plus supportable. Il a pour fidèle compagnon son âne avec qui, de village en village, il tente de gagner sa vie comme tragulinu (marchand ambulant). Sa réputation grandit et chacun l’interpelle pour avoir un bon mot. Définitivement acquis à notre grand homme Pasquale Paoli, « U Babbu di a Patria », il devient, dit-on, son bouffon, sans doute pour mieux le distraire en lui pointant les travers du genre humain : mesquinerie, avarice, jalousie…

Il n’est pas sans rappeler le Hodja lorsqu’il utilise l’absurde et la mauvaise foi. Le bouffon n’est pas un saint, mais un homme comme les autres avec ses faiblesses et ses travers qu’il met en scène pour mieux les débusquer. Mais, sachant toujours mettre les rieurs de son côté, il prouve surtout que de nos grandes et petites misères nait une fleur infiniment précieuse qui est celle de l’humour. Ainsi, Grossu Minutu avec ses histoires nous offre l’un des plus beaux cadeaux qui soit en nous inscrivant, nous aussi, dans cette tradition méditerranéenne du rire et de l’autodérision, tradition qui perdure aujourd’hui avec bonheur grâce à nos Mascone, Tsek et Pido etc...

A lire :

Maunoury Jean-Louis : Sublimes paroles et idioties de Nasr Eddin Hodja. Phébus libretto, 2002. 640 p.

Carlotti Nicolas : Grossu Minutu (323 stalbatoghii). Prix du Livre Corse 1997. Ajaccio, La Marge Edition, 1996. 264 p.

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