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Les politiques linguistiques par Romain Colonna

Dernière mise à jour de cette page le 22/10/2013

Cantons concernés : Aiacciu

Aujourd'hui la langue corse est plus que jamais au cœur des débats. Si l’idée de coofficialité semble faire consensus au sein de toutes les familles politiques, il reste encore du chemin à faire pour sauver une langue qui est en net recul. En effet, si elle gagne du terrain, semble-t-il, au niveau public, elle n’a plus la même place dans la sphère privée. Cette langue qui était un ciment familial, la langue du village et de la famille au sens large, peine à maintenir un nombre de locuteurs conséquent. Il y a donc toute une politique linguistique aujourd'hui à déployer et à renforcer pour faire face à cette urgence. Une thématique qu’évoque l’ouvrage très documenté et très réussi de Romain Colonna, Maître de conférences à l’université de Corse. Cet ouvrage publié aux Editions L’Harmattan, nous propose de nous interroger sur ce que nous avons décidé de faire de notre langue. Il dresse un tableau des diverses situations du corse des années 70 à nos jours et nous alerte sur le chemin qui est encore à parcourir face à une situation inédite. Aujourd'hui les vecteurs de la langue, les derniers remparts sont les institutions : sans elles le corse est-il condamné ?

 

 

Votre ouvrage s'inscrit complètement dans les débats actuels autour de la coofficialité, quel est votre regard de chercheur sur ce débat dont s'est emparé le politique ?

 

La gestion des langues sur un territoire est forcément politique puisqu'il s'agit bien de réguler des interactions sociales, ici, à travers leur aspect langagier. Cet ouvrage tente modestement de dégager une théorie de la minoration et de la domination linguistiques avec une évaluation sociale du corse et, selon une visée prospective, une analyse des politiques institutionnelles. J'essaie d'attirer l'attention sur l'importance de la coofficialité dans un processus de récupération et d'extension linguistiques. C'est un passage obligatoire mais qui pour espérer des résultats positifs doit être accompagné de l'officialisation, c'est-à-dire de la mise en œuvre du processus et de tous les moyens qui soutiennent et traduisent en pratique un éventuel statut d'officialité. Le chemin est encore très long et les questions linguistiques sont essentiellement le résultat de rapports de force. Il est urgent d'agir. Plus nous attendons, plus l'entreprise d'extension sociale de la langue sera difficile et incertaine.

 

Aujourd'hui la langue corse est en recul dans la sphère privée mais prend une « place de choix » dans le domaine public, est-ce suffisant pour la sauver ?

 

Je nuancerais volontiers vos propos lorsque vous parlez de « place de choix ». Ce qui est certain, c'est que le corse a pénétré plusieurs espaces desquels il était totalement exclu auparavant. De là à parler de place de choix ... Que dire alors du français ? Il est certain aussi qu'une politique linguistique ambitieuse pour espérer quelques résultats satisfaisants, doit intervenir sur l'ensemble des champs sociaux, privés et publics, sans ne rien laisser de côté. Une langue est un fait social total, donc une politique linguistique doit être de facto et de jure totale ! Pour répondre très franchement à votre question, je dirais clairement non ! Encore faut-il s'entendre sur la définition de « sauver »...

 

Si en Corse on constate aujourd'hui une volonté de conférer une place importante au corse, en France, en revanche, on a l'impression que la langue « régionale » est rattachée à une vision passéiste ?

 

Effectivement ! La simple nomination-catégorisation à travers le « langue régionale » en dit long sur la représentation politique en France. Ce terme suppose en effet un rapport vertical et tutélaire qui a pour principale conséquence de considérer le « régional » uniquement comme un fait autonome dans son existence et non comme une valeur préalablement attribuée et déterminée selon une construction socio-historique. La France a en effet tendance et depuis longtemps, à ne conférer les valeurs de la modernité, de l'universalisme, de l'humanisme etc. exclusivement à la langue française tandis qu'elle considère volontiers les autres langues, du moins sur son territoire, principalement comme des objets de curiosité muséale, digne d'intérêt certes mais pour les taxidermistes.

 

Pour conclure, avec une question que pose votre ouvrage : « qu'est-ce que la langue fait de nous et que faisons-nous de la langue ? », nous Corses d’aujourd'hui ?

 

C'est la dernière interrogation de cet ouvrage. La question est très largement ouverte et c'est aux Corses d'y répondre collectivement. Ils ont commencé à le faire et leur représentation politique aussi. Pour ma part, je crois que la langue corse est ce « quelque chose » qui montre qu'une partie de l'humanité ne veut pas être privée de son avenir. Alors, donnons toutes les chances à cet avenir et faisons du corse et du plurilinguisme les piliers de notre projet futur et collectif à travers l'émergence d'une démocratie culturelle.

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