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Colomba micca nostra ?

Dernière mise à jour de cette page le 02/01/2013

Lorsque le fringant Prosper Mérimée, futur Inspecteur des monuments historiques écrit Matteo Falcone, s’inspirant d’un fait divers qui se serait passé à Alata, il n’a jamais mis les pieds en Corse et pourtant il nous décrit, comme s’il y était, le maquis, repaire de bandits, au dessus de Porto-Vecchio. Le décor est planté.

Certes, le bougre a de l’esprit et il sait ravir, dit-on, la haute société avide d’exotisme et son amie l’Impératrice Eugénie elle-même, grâce à la description ironique de ces derniers « bons » sauvages que sont les Corses sous le Second Empire. « Si vous aimez tirer, allez en Corse… vous pourrez tirer sur tous les gibiers possibles, depuis la grive jusqu’à l’homme » fait-il dire à l’un de ses personnages dans Colomba. Le ton est donné !

Mais bientôt il comblera ses lacunes sur l’île et précisera son propos. Il fait le fameux voyage et se délecte à se faire conter des histoires de bandits. De bandits comme héros de roman oui, mais il va trouver encore mieux, son héroïne sera une femme et quelle femme ! Colomba Carabelli, personnage réel et indomptable, confit dans la haine et caricatural s’il en est. La légende est née, toutes les femmes corses, par la suite, seront des Colomba, vêtues de noir et assoiffées de vengeance et de sang, toutes des brunes incendiaires et manipulatrices qui tyrannisent leurs frères avec la même idée fixe, pourrir leur destin.

Mais là où certains auraient compati, du moins un peu, lui se repaît, se régale, s’amuse. Là où Dumas a de l’empathie, voire de la tendresse pour les De Franchi, les « Frères corses », victimes de la fatalité, lui qui, issu d’un milieu pauvre connaît la misère des hommes, Prosper met la distance du mondain, il ne se salit pas les mains, il ne dénonce pas, il ne déplore pas, il ironise.

Après tout, sa vision en vaut une autre, d’autant qu’elle est servie par le talent, d’ailleurs, la postérité n’a-t-elle pas choisi de faire étudier en classe son chef-d’œuvre, à des générations de collégiens qui, continentaux, garderont bien ancrée, une vision des Corses marquée du sceau de la violence et ce n’est pas l’actualité qui les fera changer d’avis ?

Mais ce qui interpelle quand même c’est cette fascination qu’auront les corses pour ce regard extérieur qui extrait de leur réalité quotidienne des éléments archétypaux qui perdureront jusqu’à aujourd’hui. Après Mérimée, d’autres s’essaieront au récit de bandits, avec talent d’ailleurs et parfois avec plus de nuances, mais jamais avec le regard froid de l’entomologiste que nous joue ici Mérimée. Ces auteurs, parmi lesquels Flaubert ou Maupassant, écrivain sensible, mais qui cède hélas à des poncifs déjà rebattus, n’auront pas le même impact sur l’inconscient collectif des corses. Alors, reste à savoir pourquoi Colomba eut un tel écho et le talent littéraire n’en est sûrement pas la seule cause. Autrement dit : et si l’être humain ne savait que se référer à des images sommaires pour s’identifier ? Rarement, hélas, la nuance, l’intelligence et la finesse triomphent.

Reste que l’artiste, par sa création, porte une responsabilité vis-à-vis de la société et que Mérimée nous fit sans doute plus de mal à lui tout seul que tous les écrivains et les journalistes, venus ensuite s’encanailler au maquis. Alors, aujourd’hui, lorsqu’on a lu « Corse Noire », et refait l’inventaire de tous ces clichés, il ne nous reste plus qu’à lire ou relire dans « Corse Blanche » le portrait touchant que fit Maupassant dans « Le Bonheur » de deux petits vieux, certes non corses, réfugiés loin du monde pour vivre en paix leur passion, preuve s’il en est que même pour ses détracteurs, la Corse peut être aussi une île d’amour !

Corse Noire. Roger Martin. Albiana 2010
Corse blanche. La Corse sans bandit ni vendetta… Petite anthologie littéraire des muses corses. Jacques Moretti (présentation). Albiana, 2011

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